
Le Saint Siège, un acteur diplomatique sous-estimé et surpuissant
Jorel Bonomme - 12/12/2024
Si le Vatican, peut sembler à première vue, du fait de sa taille et de son nombre d’habitants, d’une importance relative voir faible sur la scène diplomatique, c’est en réalité un acteur des plus important, et des plus nécessaire dans les Relations internationales.
Le Vatican, grâce à sa qualité de médiation et son réseau étendu est ainsi devenu au cours des siècles plus qu’indispensable, si ce n’est incontournable pour les relations internationales.
Le Vatican, deux entités, un seul acteur international :
Afin de mieux saisir le rôle du Vatican dans la diplomatie internationale il est essentiel de tout d’abord établir une distinction importante. Le terme Vatican désigne en réalité deux entités : le Saint Siège, et la cité Etat.
Le Saint Siège, est un sujet très ancien du droit international, doté de la personnalité juridique dont la principale mission est de représenter l’Eglise catholique et donc, ses croyants. Le Pape, dirigeant de l’Eglise est élu selon un mode bien spécifique, via les cardinaux réunis en conclave, qui sont les représentants des croyants du monde entier. Le Saint-Siège existe depuis les débuts du christianisme. Toutefois, le Saint Siège n’est lié à aucun territoire puisque c’est une entité spirituelle.
La cité Etat du Vatican, elle, est un Etat souverain de 0,4 km2 de plus de 800 habitants et situé dans Rome. C’est une monarchie absolue et élective de droit divin. A la différence du Saint Siège, c’est une entité, cette fois-ci, temporelle. Elle est créée en 1929 par les accords de Latran signé respectivement par l’Italie qui avait envahi en 1870 les Etats pontificaux (anciens territoires du Saint Siège) et le Saint Siège qui se voit accordée la pleine propriété du territoire actuel du Vatican. Le Pape en est le souverain absolu. De ce fait, le Pontife romain fait office de lien entre ces deux entités. Il est donc le dépositaire d’un pouvoir temporel (la cité-Etat du Vatican) et spirituel (le Saint Siège).
L’acteur international n’est pas la cité Etat du Vatican, mais bien le Saint Siège qui représente environ 1,4 milliards de catholiques, chiffre en augmentation. Il fait l'objet d'une représentation internationale puisqu’il dispose d'un siège d'État non-membre observateur à l'ONU et au Conseil de l’Europe. Le Vatican a également des ambassadeurs dans de nombreux pays, nommés nonces apostoliques. Ils sont les représentants directs du pape, envoyés pour maintenir et renforcer les liens entre le Saint-Siège et le monde.
Les liens entre le Saint-Siège et le reste du monde sont complexes et pour comprendre toutes les implications des relations diplomatiques entretenues par le Vatican, il convient d’étudier la place qu’il occupe sur la scène internationale, ses objectifs et moyens d’actions diplomatique, et l’immense place du Pape dans ce déploiement diplomatique. Le Vatican et la diplomatie : place et rôle de ses envoyés.
Le Vatican et la diplomatie : place et rôle de ses envoyés
Le rôle du Vatican en tant qu’outil diplomatique :
La place occupée par le Vatican (au sens large du terme) en tant que tel est assez unique. En effet, dans le traité de Latran de 1929, l’article 24 dispose que le Vatican est un Etat neutre. De ce fait, n’ayant pas à prendre quelconque parti, il se situe d’une certaine manière au-dessus de tous les conflits. Mais au-dessus ne veut pas dire en retrait. Le Vatican n’évite pas les conflits en souhaitant ne rien faire, bien au contraire. Simplement, il ne prend parti pour aucun belligérant. Ainsi, il peut très bien dénoncer des situations dramatique ou sensible (Palestine, Arménie, Congo, écologie, violences liées à l’homosexualité etc.) mais toujours en s’inscrivant dans une neutralité évidente. Bien entendu, son rôle premier étant de représenter l’Eglise et l’ensemble des catholiques, il est naturel que dénoncer, mettre en lumière ou défendre ses propres intérêts va de soi. De ce fait, bien que neutre, le Vatican occupe une place extrêmement importante dans le monde par le biais des croyants catholiques. Peu de nations peuvent se vanter de représenter 1,4 milliard d’individus dans le monde et aussi bien répartis. La diaspora catholique est la plus puissante du monde, et les intérêts des catholiques étant ceux du Saint- Siège, celui-ci retrouve les siens aux quatre coins du monde. Il dispose par conséquent d’un réseau de renseignement extrêmement fort sur lequel nous reviendrons. Toutefois, cela n’entache en rien la position neutre du Vatican vis-à-vis des conflits, qui se traduit également par son mode opératoire.
En effet, le Vatican utilise comme principal outil diplomatique la médiation. Une médiation en diplomatie est un mécanisme appartenant aux modes de règlement des différends internationaux, dont le but est de parvenir à une réconciliation, manifestée par un accord, le plus souvent écrit, entre deux ou plusieurs partis qui voient leurs intérêts opposés. La médiation est faite par un tiers parti, le plus souvent neutre. Son objectif est également d’éviter toute escalade dans les tensions et de parvenir à une solution pacifiste dans le respect du droit international. Par conséquent, la médiation doit être basé sur le respect. C’est cette notion de respect qui est importante et qui caractérise l’ensemble des relations que tient le Saint Siège avec les autres acteurs internationaux. C’est également ce qui fait que le Saint Siège est vu par l’ensemble des pays comme un sérieux acteur lorsqu’il s’agit de résoudre des conflits de nature diplomatique. La médiation, a et est encore très utilisée, mais reste soumis à une condition essentielle que le Saint-Siège s’est imposé : La demande doit absolument émaner des partis en question. Il n’est en aucun cas possible que le Vatican se propose lui-même en tant que médiateur, cela pourrait en effet entacher sa neutralité. Se situant au-dessus des conflits, il doit impérativement être sollicité pour, s’il le souhaite, faire office de médiateur. Cela permet également aux partis en question de montrer leur sincère volonté de parvenir à un accord et éviter tout conflit ou escalade vers la violence. Le ministre des affaires étrangères du Vatican, Mgr Gallagher, l’explique très bien : « pour garantir nôtre impartialité, nous devons rester au-dessus du conflit, c’est cela qui est important ». Le grand diplomate français, le cardinal Tauran, ancien secrétaire pour les relations du Saint-Siège avec les États au sein de la Secrétairerie d'État, disait également que « la diplomatie est un moyen dont se sert l’Eglise, pas un but », mettant en lumière sa place singulière pour le Saint Siège. Ce que souligne ici le cardinal Tauran, c’est que l’essence même du Saint-Siège est de représenter l’Eglise, les catholiques mais également « de transformer la société pour que le monde soit un endroit meilleur et plus paisible ». A ce titre, il est nécessaire de parvenir à une paix globalisée en évitant tout conflit, et
ce, sans distinction d’ethnie ou de religion. Or, la diplomatie comme nous l’entendons n’est qu’un moyen pour y arriver. En aucun cas, elle ne représente une priorité absolue pour le Saint Siège, qui dispose d’autre moyens pour essayer d’aboutir à une paix mondiale.
De ce fait, le Vatican est intervenu maintes fois dans des conflits en tant que médiateur. L’exemple de l’Argentine et du Chili illustre parfaitement ce propos. Fin année 1978, la guerre semblait inévitable entre les 2 pays, les armées se préparent déjà. Le conflit porte sur le canal de Beagle. Les cardinaux Silva Henríquez (pour l’église chilienne) et Primatesta (pour l’église argentine), voulant éviter à tout prix une guerre, vont voir le pape de l’époque, le futur saint Jean-Paul II, pour demander une médiation et éviter la guerre. La requête sitôt acceptée, le cardinal Samore (italien) est mandaté par le Pape et entame un processus de paix qui durera environ 6 ans. Une paix durable est signée en 1984 (le traité de paix et d’amitié) par le général Pinochet et le président Alfonsin. D’autres exemples seront étudiés dans cet article, toutefois cela ne fonctionne pas toujours. En effet, toujours dans cette volonté d’éviter tout conflit armé, cette fois-ci en Ukraine, le Pape a réalisé de nombreux appel au calme, mais également à la médiation. En revanche, la Russie, n’a pas donné suite.
Les ambassadeurs du Saint Siège et l’organisation diplomatique vaticane
Le Saint Siège compte également sur les différentes ambassades et consulats pour étendre son influence diplomatique. Désireux de disposer d’un réseau fort dans tous les pays sans distinction aussi bien politique que religieuse, le Saint Siège est l’un des mieux établi dans le monde. Ainsi, seulement petite douzaine de pays, dont la Chine, ne dispose pas de représentation permanente du Vatican. Le Saint Siège agit de ce fait à travers un grand réseau d’ambassadeurs à travers le monde, que l’on appelle les nonces apostoliques. Diplomates de grandes qualités, ils sont mondialement reconnus en partie grâce à leur formation reçue. En effet, ceux-ci sont formés à l’académie pontificale ecclésiastique. Créée en 1701, c’est la plus vieille école diplomatique du monde et l’une des plus prestigieuses. Ils jouent un rôle important dans les pays, notamment en Afrique, en matière politique afin de faire cesser les conflits existants, mais surtout en matière religieuse. Par conséquent, ce sont en premier lieu des hommes d’églises en lien direct avec les paroisses locales. Les évêques exercent une grande influence dans les sphères locales dans le monde entier, et favorisent l’implantation de l’Eglise et la préservation de ses intérêts. En revanche, les nonces évitent de faire de la « politique politicienne », ce sont les évêques qui mènent des négociations (Cuba). Ils ne se concentrent que sur l’aspect strictement diplomatique. Avec des représentations du Saint Siège au sein de l’ONU, le Conseil de l’Europe, et le Haut-commissariat aux réfugiés, ils jouent également un rôle sur la scène internationale. C’est grâce à ses représentations permanentes au sein d’organisations internationales, que le Saint Siège peut mieux exercer ses fonctions. Celles-ci sont notamment la défense de l’Eglise catholique, des chrétiens, de la liberté de culte, de pensée et d’enseignement, des droits de l’homme, ainsi que de la préservation de l’environnement. A cela, se rajoute les « legat a lere » représentant papal pour une durée temporaire, le plus souvent dans des pays ne disposant pas de nonciature apostolique.
Le déploiement diplomatique du Vatican : des objectifs clairs, et des moyens nombreux
Courte mise en contexte de l’influence du Vatican cours du temps
L’influence idéologique et culturelle du Saint-Siège a toujours été extrêmement forte. Eglises locales, ordres religieux, organisations caritatives, fidèles investis dans la société, les responsables romains disposent d’un réseau d’information, si ce n’est le réseau d’information et d’influence le plus juste, varié, et étendu du monde. C’est le soft power romain, catholique. Celui-ci existe depuis bien longtemps. En effet, dès le premier millénaire, il existait un véritable Etat autour de Rome, les Etats pontificaux. Celui-ci disposait d’une influence spirituelle sur les croyants. Les Etats pontificaux étaient de fait une puissance spirituelle. Ainsi, exerçant une influence non seulement sur les croyants mais également sur les rois, le Saint Siège était la force majeure dans la diplomatie. Pendant des siècles le Pape était, d’une part, le chef d’un Etat fort sur l’échiquier politique et, d’autre part, le chef de l’Eglise catholique. Le Pape avait le pouvoir de faire et défaire les rois et empereurs. Tout roi ou empereur qui voulait asseoir son pouvoir se devait d’avoir l’accord du Saint Père. Toutefois, au cours du temps, la légitimité papale s’est affaiblie au fur et à mesure que les chefs d’Etats (roi, empereurs et autres seigneurs) ont voulu s’émanciper du Saint Siège. C’est là l’opposition entre le pouvoir spirituel et temporel, autrement dit le pouvoir sur les âmes, et, le pouvoir sur les corps et biens. Un des exemples les plus marquant est indéniablement celui de Henri VII. En effet, celui-ci, après plusieurs femmes, qu’il a fait assassiner, souhaite se remarier afin d’avoir un enfant pour lui succéder. Le Pape refuse, et s’engage un affrontement entre le Roi Henri VIII, détenteur d’un pouvoir temporel et, le Pape, détenteur du pouvoir spirituel. Conscient du pouvoir papal sur son peuple, et sur sa légitimité royale, il décide alors de s’extraire de la domination du Pape, en faisant voté une série de lois menant son royaume à un schisme. Si après l’annexion par l’Italie des Etats pontificaux en 1870, la prétention temporelle s’est presque totalement effacée, la pratique diplomatique s’est quant à elle, renforcée.
Réseau humain et diplomatique fort, fondement d’une stratégie diplomatique claire
La stratégie diplomatique du Vatican est claire : pratiquer la diplomatie du signal faible. Son objectif est de rester le plus discret possible afin de ne pas faire de vagues avec d’autres pays et avant tout de conserver une position neutre. De ce fait, en cas de conflit, cela permet au Vatican de discuter dans le respect et le calme avec l’ensemble des partis prenant sans susciter quelconque crainte. Les lignes directrices sont donc bien évidemment la défense de l’Eglise catholique, des chrétiens, de la liberté de culte, de pensée et d’enseignement, mais également des droits de l’homme en général. Toutefois, le Saint-Siège ne se limite pas exclusivement à ces sujets et a su s’étendre ces dernières années à d’autres sujets sociaux notamment comme l’écologie, la lutte contre les violences faites aux femmes ou celle pour l’abolition de la peine de mort. Ainsi, le succès de la diplomatie vaticane dépend de nombreux facteurs mais est avant tout liée à une réussite au niveau local. En effet, si l’église locale
arrive à agir dans les sociétés considérées, les tractations pour la paix ont bien plus de chances d’aboutir.
Si la stratégie de l’Eglise catholique est de se baser sur le niveau local, il est évident qu’elle dispose d’un réseau immense. En effet, celui-ci peut être qualifié comme avant tout social. Le catholicisme est ancré dans un maillage social très varié. Les croyants vont du plus riche au plus pauvre, du plus nécessiteux au plus cossu. De ce fait, les informations renvoyées sont extrêmement vraies et d’une grande justesse. C’est la grande force du Saint-Siège et cela suscite par conséquent l’intérêt des autres pays. Le Saint-Siège, neutre et donc apolitique ne dispose de ses informations que dans l’unique but de rechercher la paix, tout en agissant dans les structures de l’Eglise dont nous étudierons l’influence plus tard dans cet article. Leur réseau informatique qui pourrait stocker l’ensemble des télégrammes diplomatiques est également précieux et fait souvent l’objet de tentative de cyberattaque. Les télégrammes diplomatiques (document officiel, secret concentrant l’ensemble des informations, analyses, rapports sur une situation, un événement donné) envoyés par les nonces apostoliques ou les évêques au Saint Siège, font l’objet d’une grande convoitise. La crise des Wikileaks en est un exemple remarquable. Les Wikileaks désignent la série de révélation massive de documents confidentiels et secrets issus en grande partie du gouvernement américain en 2010 par l’organisation du même nom dirigée par Julian Assange. Ces divulgations ont eu un impact diplomatique mondial et une influence significative sur les relations internationales. C’est à travers ces révélations que l’on voit, non seulement que les télégrammes diplomatiques du Vatican (et donc du Saint Siège) sont plus que régulièrement repris par l’ensemble des services de renseignement étasuniens et ceux des grandes puissances, mais également que la NSA (National Service Agency), agence de renseignement des Etats-Unis, considère le Dicastère de Développement humain (agence de renseignement vaticane et d’où sont issus les télégrammes) comme son équivalent et une source plus que fiable en matière de renseignement.
Le Vatican travaille habituellement de manière unilatérale mais peut également travailler de manière officielle avec d’autres Etats, afin de les faire bénéficier de leur immense réseau. Par exemple, en 2015, c’est avec les Etats-Unis qu’il coopère pour opérer un rapprochement historique avec Cuba. Il œuvre aussi avec la France, lors la deuxième guerre du Golfe. En effet, pour aider la France à mieux défendre sa position au Conseil de sécurité de l’ONU, le Vatican a joué un rôle de médiation en fournissant des informations supplémentaires démontrant l’absence d’armes de destructions massives en l’Irak.
Le Pape, centre des relations internationales vaticanes, centre des tensions ?
Pape François Ier : leader actif donnant de nouveaux modes d’actions au Saint Siège
L’un des principaux ressorts diplomatiques dont dispose le Saint-Siège se trouve en la personne même du Pape, le Saint Père. L’autorité spirituelle du Pape lui a souvent permis d’intervenir dans les relations internationales en tant qu’intermédiaire (propositions pour mettre fin à la Première et Seconde Guerre mondiale en 1917, en Afrique au XXème et XXIème siècle pour apaiser les conflits liés à la décolonisation) ou en tant que juge (médiation entre le gouvernement et les farc au Vénézuela, Colombie). Cette pratique demeure extrêmement ancrée au sein du Saint-Siège. En effet, en 1494 c’est sous la supervision du pape Alexandre VI, que s’opère le partage du Nouveau monde avec le traité de Tordesillas. Ce traité signé le 7 juin 1494 entre l'Espagne et le Portugal, vise à diviser les nouvelles terres situées en dehors de l'Europe. Il établit une ligne de démarcation afin d’éviter toute guerre entre les deux puissances maritimes.
Au fil des siècles le rôle diplomatique du Pape se transforme et s’adapte aux enjeux contemporains. L’exemple le plus récent de cette évolution est celui du Pape Saint Jean-Paul II. Originaire de Pologne, il a connu misère et chaos dans le régime communiste après la Seconde Guerre mondiale. Il se servira de son expérience pour jouer un rôle plus que capital dans la dislocation du bloc de l’Est. Il représente une neutralité, dite critique. Dénonçant les excès du capitalisme, il reste toutefois farouchement opposé au communisme dont il dira qu’il « s'est révélé un remède plus dangereux que la maladie elle-même ». De ce fait, il entretient en Europe de l’Est un esprit de résistance face aux inégalités et violences subies à la fois par la population et l’opposition. Il soutient le premier syndicat indépendant du bloc de l’Est « Solidarność ». En 1979, au cours d’une visite en Pologne, il prononce un discours resté dans l’histoire. Il y critique vivement les dirigeants du bloc soviétique, et appel au respect des droits de l'homme et à la liberté religieuse. Cet appel est renouvelé lors d’un discours au Nations Unies le 2 octobre 1979. Il sera également une des figures de la chute du mur de Berlin en 1989.
Le Pape actuel, François Ier, a su réinventer son rôle sur la scène internationale à travers des prises de positions fortes, sur des sujets parfois nouveaux. Homme de son temps, il fait preuve d’une grande modernité. Cela se traduit par l’importance et le temps inédit consacré à aux sujets qui touchent la jeunesse, comme l’écologie. Ainsi, dès 2015, il publie l’encyclique « Laudato Si’ » qui vise à nous avertir sur notre mode de vie et notre rapport à l’environnement. Il met l’ensemble des gouvernements face à leurs responsabilités en les encourageant à agir encore plus rapidement en faveur de l’environnement. Il y étudie également les conséquences économiques et sociales du réchauffement climatique. Ainsi, est mis en lumière les inégalités qui y découlent et se multiplient entre les pays du Nord et du Sud. En appelant à une conversion « écologique », il utilise de son rôle et de son influence pour tenter de répondre à cette crise en engageant la responsabilité de chacun dans ce combat de tous les jours. Cette prise de position, n’est pas nouvelle au sein du Vatican, mais c’est la première fois qu’une encyclique est entièrement consacré à l’écologie. Elle a par ailleurs été étudiée et a servi de source lors de la COP21 à Paris de 2015, et celle de Glasgow en 2021. Le Pape permet donc au Saint-Siège de renouveler son rôle sur la scène internationale et de participer plus activement à des évènements diplomatiques importants, dont les conférences des partis (COP), essentielles à la résolution du réchauffement climatique.
Au même titre que l’un de ses prédécesseurs, le pape saint Jean Paul II, François Ier n’hésites pas exprimer son mécontentement sur une situation estimée injuste. Il fait de la question de l’immigration l’une de ses priorités. Brisant de nombreuses barrières, et faisant preuve de résilience, il critique les partis nationalistes qui peuvent, alimenter des politiques d’exclusions massive de migrants. Il avait notamment critiqué le comportement et l’approche opportuniste de l’Union européenne à l’égard de l’Afrique, soulignant une nouvelle fois la capacité du Saint Siège à se positionner sur des questions diplomatiques délicates. En demandant à l’UE de retirer « ses mains de l’Afrique » et « d’arrêter de piller ses richesses », le Pape montre qu’il peut s’imposer face aux autres acteurs internationaux. De plus, son premier voyage pontifical à Lampedusa et marque les esprits en 2013. Il y dénonce sur place la "globalisation de l'indifférence" face aux migrants, et exhorte l’ensemble des pays à écouter leur détresse. En 2015, alors que les Etats-Unis intensifient leurs politiques transpartisanes anti-immigration contre le Mexique, il prononce un discours au Congrès américain dans lequel il ne se prive pas de rappeler que la plupart des citoyens américains sont directement issus de l’immigration. Ainsi, François Ier a fait de la protection des migrants une priorité, au prix de nombreuses critiques. Face à cet enjeu inévitable sensiblement lié à la question environnementale et aux diverses guerres traversant le monde, le Pape arrive à faire entendre la voix du Saint-Siège par de nouveaux biais. Les réseaux sociaux notamment, qui font partie intégrante du projet de « modernisation » du Vatican. C’est par le biais de X (anciennement Twitter) qu’il dénonce les situations dramatiques en Palestine, Ukraine, Arménie, et bien d’autres encore. Via les réseaux sociaux François Ier arrive à montrer l’ensemble des actions auquel il prend part, dont les dialogues interreligieux, eux aussi fondamentaux dans l’approche du pape argentin.
A travers ses nombreux voyages pontificaux que le pape a pu œuvrer pour la paix en favorisant les dialogues interreligieux. Il signe un accord pour la fraternité le 4 février 2019 à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, avec le Grand Imam Ahmed el-Tayeb. L’accord vise à promouvoir la paix, le dialogue interreligieux, et prohibe toute violence basée sur des motifs religieux afin de parvenir à une véritable coexistence pacifique. L’impact diplomatique est fort, la religion étant encore un motif de conflit à travers le monde. Ici, les chefs religieux promeuvent l’inverse et appellent à la paix interreligieuse. Pour les chrétiens et les musulmans, c’est donc un rapprochement historique mais également un grand pas vers la paix. D’autres évènements interreligieux dont prend part François Ier marque le monde diplomatique. La rencontre avec l’ayatollah Ali al-Sistani le 6 mars 2021 à Najaf est l’une d’entre elles. Celui-ci y proclame même devant le Pape que « les chrétiens d’Irak doivent vivre en paix ». Ces exemples nous montrent parfaitement que la sphère religieuse n’est en rien hétérogène ou étrangère à celle diplomatique. Bien au contraire, la religion est un des canaux de dialogue entre deux instances. C’est même lorsque les pays ou autres organisations internationales éprouvent de grandes difficultés quant à la résolution d’un accord, que la sphère religieuse peut se révéler extrêmement utile.
L’influence papale en question
L’influence du pape est toutefois à questionner. En réalité, son influence bien qu’extrêmement forte, reste difficile à clairement mesurer. D’une part, il y a l’influence du chef d’Etat, force temporelle. Celle-ci est notamment visible lorsqu’il réussit de véritables « exploits diplomatiques ». Le rapprochement efficace entre Cuba et les Etats-Unis en 2015, qui n’entretenaient plus de relations diplomatiques depuis cinquante ans, s’est fait à travers la médiation du Pape. Les efforts faits au Venezuela, entre les Corées, et ses actions en faveur des peuples autochtones menées avec l’ancien président bolivien, Evo Morales sont également de très bons exemples où il utilise son influence au service de la paix. D’autre part, il y a l’influence du chef spirituel d’une religion représentant plus de 1,4 milliard de personnes dans le monde. Cette influence est beaucoup plus difficile à mesurer puisque cela est sans compter les 700 millions d’autres chrétiens dans le monde d’autres dénominations, et croyants d’autres religions où sa voix est écoutée et respectée. Ses propos ou actions de nature religieuse peuvent parfois être critiqués par les médias partis politiques ou même croyants. Toutefois, il est important de rappeler qu’aucun homme sur Terre n’a le pouvoir de toucher directement autant de monde. Son influence, de facto immense reste difficile à mesurer. L’influence actuel du pape au sein même de l’Eglise est également intéressante à observer. En
effet, par des propos, faits et gestes, le pape peut partiellement se mettre à dos des membres de l’Eglise. C’est le cas du pape François Ier qui, par certaines déclarations, suscite des critiques des membres de l’Eglise ne souhaitant pas y être liés. Par exemple, ses positionnements en janvier 2024 sur le fait de bénir les couples homosexuels n’ont pas fait l’unanimité. De plus, les discours très écologiques et critiques des modes de vie consuméristes sont mal reçues par certains catholiques américains. Ainsi, le souverain pontife, lorsqu’il fait part des positions perçues comme novatrices au regard de certaines traditions, suscite des débats vifs au sein des fidèles et des clercs. Toutefois, une précision importante est à faire. Si un Pape, et tout particulièrement, François Ier, peut être vu à comme une figure controversée au sein de l’Eglise, cela ne concerne que sa personne en tant que telle, pas sa fonction qui ne fait l’objet d’aucun débat au sein de l’Eglise catholique.
Conclusion :
En période de guerre, comme actuellement en Ukraine et en Palestine, le Vatican ne cesse de demander la paix par tous les moyens possibles et réalisables. Etat neutre, étranger aux manœuvres politiciennes, il se préoccupe avant tout des vies humaines meurtries par les massacres commis. Dans les deux cas, de l’aide humanitaires a été envoyée mais les conflits semblent loin d’être résolu tant que les dirigeants ne décideront pas de stopper. Ayant toujours joué un immense rôle diplomatique, même s’il a été réduit au cours du temps, le Saint Siège, est une entité diplomatique extrêmement structuré disposant d’un vaste réseau, où se trouve au sommet, un autre grand acteur diplomatique, le Pape. Guidé par la volonté de paix et d’amour entre les peuples et religions, la citation du pape saint Jean Paul II 13 janvier 2003, à l’occasion d’un discours au corps diplomatique du Saint-Siège, illustre parfaitement cette mentalité : « Jamais la guerre ne peut être considérée comme un moyen comme un autre de régler les dif érends entre les nations ».